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Interview Assassin (Rockin
Squat) : "Je ne
veux pas faire de politique, ma mission est artistique"
entonnait Rockin Squat, leader du groupe Assassin, il y a une
douzaine d'années. Pourtant, même s'il entoure son discours de
beats qui matraquent, le "fils de bonne famille" du rap français
ne cesse de ramener le hip hop à sa source : une musique de
combat livrée une fois de plus en pâture au public avec la
sortie de l'album Assassin Live. Le rappeur impérial natif du
18ème a franchit le périph et nous reçoit dans son studio des
Lilas. Doté du don de transformer en disque d'or ses galettes
revendicatives, le métaphysicien de l'écriture est plus que
jamais en action.
Quelle est ta vision du rap ?
Déjà je replace le rap dans un mouvement qui s'appelle le hip
hop. Il prend ses racines dans tout notre patrimoine musical,
que ce soit le blues, le rock'n'roll, la soul, le funk, le
disco, l'électro... Mais ça vient aussi de la lutte des ghettos
afro-américains face au gouvernement américain et à
l'impérialisme mondial qui se met en place. C'est pour ça que
c'est un mouvement de contre culture et de contre information.
C'est un truc politique ?
Le rap ne doit pas être politique mais le hip hop dans sa genèse
est conscient et politique. Comme tout acte et tout art. C'est
un truc inné qui était présent à la naissance de ce mouvement.
Mais tu dis que le rap s'est adouci.
C'est pas que ça s'est adouci mais c'est devenu récupéré
médiatiquement et économiquement. Tu te retrouves donc avec ce
que les médias veulent bien récupérer. Ils ne veulent pas être
le reflet de cette culture, de ce qui se passe réellement dans
les quartiers défavorisés et à une plus grande échelle dans le
tiers monde. Ils ne veulent pas mettre ça en avant pour vendre
sept millions d'albums. Mais ça reste un truc qui donne de
l'espoir à beaucoup de gens et qui est loin d'être stéréotypée.
Mais est-ce fait pour véhiculer des messages ou pour
permettre à des gens de s'en sortir ?
C'est sur que ça peut être un métier. Les gens qui voient une
porte de sortie à travers ça, et bien welcome : rentrez dans le
monde du hip hop. Si tu prend ton travail au sérieux et que tu
donnes de l'amour et du respect, c'est possible que tu t'en
sorte par ça. En plus de façon légale. Dans certains quartiers,
c'est important de faire rentrer de la thune légalement parce
que sinon c'est la roue infernale de l'exclusion, de la prison
et de la pauvreté.
C'est quoi l'impact d'un groupe comme Assassin sur la société
française ?
Je ne sais pas si on a un impact. On voit plutôt l'impact que la
société française a sur nous. Une société qui oppresse les gens
plutôt que de les aider à s'épanouir. Maintenant tout ce qu'on
fait, même l'article que tu va écrire, a de l'impact sur les
gens à sa juste valeur. Ce qu'on a vu en tournée, c'est qu'on
pouvait ramener de l'espoir à des gens. Ça c'est sur. On leur
fait du bien, quoi. Comme quand moi j'écoute de la musique, Al
Green ou Curtis Mayfield par exemple, ça me fait du bien. Tu
vois ce que je veux dire. Donc si notre musique peut amener aux
gens ce plaisir que moi je retire de ces chanteurs, c'est
mortel.
Mais quand on voit certains titres d'Assassin, notamment
Esclave 2000, cela fait plus penser à un tract revendicatif qu'à
une musique apaisante...
C'est plus un exposé mais de toutes façons, je pense qu'il faut
faire des tracts contre l'esclavage. Vous devriez en faire à
Technikart et même donner des pages gratuites pour lutter contre
ce fléau. Nous, on essaie de donner tant bien que mal la parole
à des militants sur le terrain, que ce soit le MIB (mouvement de
l'immigration et des banlieues), le FLIDD(famille en lutte
contre l'insécurité et les décès en détention), le comité contre
l'esclavage moderne. Imagine toi qu'en 2002, il y a toujours des
esclaves. Dans le monde entier, il y a des mecs qui ont le droit
de vie ou de mort sur autrui. Même en France comme on a pu le
voir avec Véronique Akobe qui a été enfermée et a pris des
années de prison parce qu'elle avait tué une des personnes qui
la tenait en esclavage. Anti Slavery, qui est une ONG créée en
1839, déclare qu'il y a plus d'esclave aujourd'hui qu'à l'époque
du commerce triangulaire. Donc c'est très chaud.
Et dans ce monde plein d'esclaves, le futur alors, que nous
réserve-t-il pour les années qui viennent ?
Il faut aller voir madame soleil pour ça. Moi je sais pas. Tu
sais toi ? On va déjà bien vivre cette journée, c'est ça qui est
important. Maintenant, plus que sur les cinq années qui
viennent, il faut essayer de penser aux sept générations qui
suivent.
Mais est-ce qu'aujourd'hui, il n'y a pas un phénomène
d'accélération de la mondialisation ?
Je crois que ce qui se passe existe depuis la nuit des temps. Il
faut avoir conscience du système qui est mis en place au niveau
mondial. Même s'il n'était pas là il y a 50 ans, c'était déjà la
perspective du monde, c'était déjà dans la pensée de l'homme. Le
vrai truc pour s'en sortir, c'est l'amour man. Parce que tout
ça, c'est engrangé par des gens qui sont décadents. Tout ce
monde de ouf dans lequel on vit, tout ce non respect de ce qui
nous entoure, de la nature, de l'air, c'est ça le gros problème.
C'était déjà présent quand les européens sont arrivés aux États
Unis et qu'ils ont niqué les indiens. Tu crois que c'était quoi
le monde des amérindiens ? C'était être en accord avec la terre
mère. Aucune partie de cette planète ne t'appartient. On te la
prête alors respecte la. Tu ne peux pas abuser et il faut garder
l'équilibre entre le yin et le yang. Si t'as pas l'équilibre,
c'est sur que tu vas te casser la gueule. Ce qui fait que cette
planète ou cet univers est magique, c'est parce que c'est
équilibré par rapport à des lois qui répondent de l'infini. On
le disait il y a dix ans et, même si ça parait immature, on le
répète aujourd'hui : respectez la planète. On nous a menti car
tout n'est pas chômage, insécurité. Il y a la nature,
l'environnement, il y a les grosses mégapoles qui se mettent en
place, où tu ne peux plus respirer et où on va tous se
transformer en rats hybrides.
Pour finir c'est quoi la formule secrète ?
C'est à toi de la trouver, man. |